La galerie Jean Brolly est heureuse de présenter la première exposition personnelle en France de Mathieu Bonardet. Intitulée « Forces contraires », on retrouve parmi les œuvres présentées toutes les problématiques de l’artiste liées au corps, à l’action, à la répétition du geste et aux limites du support ou de l’espace. Malgré la frénésie du geste, le résultat est emprunt d’une rigueur quasi minimale car déterminé préalablement par une logique mentale. La mine de graphite, omniprésente dans ses travaux, enregistre la trace d’un emballement corporel. Véritable mémoire d’une action, ces dessins performés évoquent indéniablement la notion de paysage et la relation de l’homme avec la nature.
Mathieu Bonardet est né en 1989. Il est diplômé de l’ENSBA depuis 2013
« Tentons de saisir la portée d’un geste, celui de l’artiste qui décide de déployer son corps dans son amplitude afin de le confronter à une limite. La limite peut-être celle de la bordure de la feuille, mais, plus symboliquement, elle est celle de l’horizon ou encore celle de l’œil qui ne voit que ce qu’il peut voir, face à un grand Tout qu’il ne peut nommer.
Dans la pratique dessinée de l’artiste, tout est affaire de saturation et de relâche. Sans titre (diptyque), 2015, en témoigne par la saturation de la mine graphite – centrale, verticale, grise, presque noire – à partir de laquelle la lumière rayonne, comme depuis un centre aveugle et souterrain, caché dans les profondeurs de la feuille. À partir de ce rayonnement, le graphite se charge d’électricité, d’une force de concentration très resserrée, dont le seul but serait la dilatation, la dilution dans le blanc de la feuille. Comme deux aimants qui s’attirent ou se repoussent, la tension disparaît peu a peu pour laisser place à l’effacement, en une épure du geste devenu silencieux.
[…] Jusqu’où peut-on aller ? Jusqu’à quel point le corps peut-il se dépenser, déployer sa masse énergétique ? Jusqu’où l’amplitude du bras peut-elle porter la mine du crayon ? Mathieu Bonardet tente de répondre, dans des œuvres à l’échelle de son corps à lui, pas si grand et costaud que ça, mais bien présent. Il affirme ainsi un corps investi de sentiments, de fluides, de souffles surtout, et capable de laisser des traces, de créer des lignes de fuite, des failles, de recouvrir ou de laisser vierge. L’œuvre de Mathieu Bonardet se construit entre le rien et le plein, avec des forces contraires, soulignant sans cesse que la simplicité est une quête, que le geste est une éthique, que l’horizon prend du temps. »
– Léa Bismuth, extrait du texte de Léa Bismuth pour 50/52, 2015, 11-13 Éditions
Léa Bismuth est critique d’art et commissaire d’exposition indépendante.