La galerie Jean Brolly est heureuse d’annoncer la première exposition de Filip Francis. Peu connu en France, l’artiste belge a pourtant participé à plusieurs expositions collectives à Bordeaux, Dôle, Montpellier, Montreuil, Sète, Toulouse, Villeurbanne et à Lyon (galerie Verney-Carron).
Cette exposition est l’occasion de présenter la démarche très particulière de cet artiste avec des œuvres récentes et certaines issues de séries plus anciennes.
La question qui se pose lorsque l’on est confronté pour la première fois à l’œuvre de Filip Francis est de savoir ce qui se passe devant notre regard tellement sa peinture semble balayer les codes et les conventions de la représentation. Il y a une sorte de « dérapage » ou de « catastrophe » dans cette peinture qui obéit pourtant à une méthode de travail unique en questionnant les limites du champ de vision. Si le champ visuel central est communément utilisé par les artistes – il faut savoir que notre vision centrale n’occupe que 5% de la surface de la rétine – , Filip Francis va quant à lui s’intéresser au 95% de cette surface rétinienne, délaissée dans la sphère artistique, et choisir d’investir le champ visuel périphérique, zone que l’on perçoit sans la regarder.
Au début des années 70, Filip Francis était proche d’un cercle anversois qui privilégiait la performance, d’où ses premières actions artistiques qui mettaient en scène un questionnement autour de la notion d’espace/temps, de hasard ou de réactions en chaîne avec des palets de bois. Très vite, ses préoccupations vont se tourner vers les principes de productions de l’image à savoir, la vision, le geste, le savoir, la mémoire. Il privilégie alors la peinture et après une période de recherche en noir & blanc il va se servir dès le début des années 80 de la couleur (opposition rouge / vert, opposition bleu / jaune) pour explorer et mettre en place ses expériences autour de la vision périphérique.
La procédé est simple : le regard de l’artiste fixe un point sur la toile (à droite, à gauche, en haut, en bas, au milieu ou encore à l’extérieur du tableau – la méthode appliquée figure toujours dans le titre de l’œuvre) et à partir de cette contrainte il va utiliser son champ de vision périphérique pour prolonger son motif (damiers, lignes, taches, bandes) . Inévitablement, une déformation se fait sentir. Plus la main de l’artiste s’éloigne de ce point fixe, plus le résultat devient maladroit, voir grossier. Cette maladresse peut même être accentuée par le fait que l’artiste peut peindre de la main droite ou/et de la gauche.
Pour élargir ses recherches, Filip Francis aime à se rendre dans les musées pour copier, toujours avec un point de vue fixe, les chefs-d’œuvre classiques (Mantegna, Cranach, Goya, David, Gauguin) ou modernes (Ensor, Magritte, Munch). Contrairement aux copistes académiques, le rendu est sommaire, approximatif, saisissant par ce caractère presque instinctif qui échappe au contrôle d’une perception centrée.
Expérimentale, provocatrice ou chargée d’un humour typiquement belge les peintures de Filip Francis, dominées par la pensée et les sensations, invitent le regardeur à adopter une conscience nouvelle de sa propre perception.