Depuis 1983, la mesure de référence universelle du mètre étalon est la distance parcourue par la lumière dans le vide en une fraction de seconde. C’est dire combien la lumière a une relation avec la mesure de l’espace. Si Pierre Savatier se réfère à cette réalité physique avec les moyens rudimentaires du photogramme, c’est que pour lui la photographie est aussi une histoire d’espace et de lumière mesurée.
Les photogrammes de Pierre Savatier nous montrent les traces des faisceaux lumineux guidés par les règles, filant vers le bord extérieur du papier photosensible. On pense à la vitesse de la lumière. Les règles peuvent être placées par ordre de grandeur, en désordre, ou croisées.
Plus encore que lors des deux précédentes expositions à la galerie, c’est la lumière réfractée par les objets qui prime ici. L’image des règles, leurs graduations et leur transparence, sont des vecteurs de lumière.
De la lumière vient la couleur. Dans « Règles filées, spectre », le flux lumineux, intense et désordonné d’un côté, fait apparaître les couleurs du spectre qui se déploient de l’autre.
Dans ces photogrammes, c’est la lumière qui construit un espace avec des « instruments de mesure » (1). Toute l’œuvre de Pierre Savatier croise une réflexion sur le dispositif (utilisé) et sur l’image (produite), sur la lumière et sur la vision. En marge du courant documentaire dominant la photographie contemporaine, l’œuvre articule une pensée spéculative sur le médium avec une relation à l’imaginaire.
(1) Titre générique des premiers photogrammes de Pierre Savatier en 1988.