Fidèle à ses recherches qui interrogent la représentation depuis plus de vingt ans, les derniers travaux photographiques de Bernard Voïta témoignent d’un nouvel aboutissement par l’utilisation, pour la première fois, de la couleur.
Dans cette exposition intitulée « Paysages ahah » (1), Bernard Voïta accentue l’effet de trouble en superposant 2 images : l’une, imprimée sur verre, est une photo trouvée représentant une vue d’extérieur, l’autre sur papier, est une photo construite dans l’atelier à partir de matériaux de récupération.
Bernard Voïta fait des photographies mais doit-on pour autant le cataloguer parmi les photographes ? Précurseur dans ce travail sur l’ambiguïté et la manipulation du réel, l’utilisation de ce médium lui sert de témoignage à une pratique qui consiste à élaborer des assemblages en 3 dimensions. La photo n’est pour lui qu’un moyen plastique qui rend compte d’un dispositif et d’une réflexion sur le concept d’image et d’espace.
L’artiste prend un malin plaisir à jouer sur la notion d’illusion qui repose entièrement sur le cadrage et le travail de l’image. Pour cela, il assemble des objets divers, le plus souvent ramassés dans la rue, pour créer des simulacres d’architecture moderne ou d’objets comme dans les séries sur les cameras ou les transats. Le regard chemine dans un univers étrange, à travers les plans et les espaces fondus, sans parvenir pour autant à comprendre, malgré certains indices, cette articulation déroutante. Au final, tout nous indique que l’image résulte en réalité d’un bricolage, d’un désordre savamment orchestré par l’artiste, destiné à nous perdre.
Dans sa dernière série, on bascule une fois de plus dans un univers purement mental où la vision du réel, représentée par un paysage coloré, fonctionne un peu comme un filtre et laisse entrevoir dans ses entrailles un espace virtuel.
(1) « ahah » ou « haha » est une interjection qui existe depuis le XVIIIe siècle pour désigner une surprise ou événement dans un jardin. On prétend que le fils de Louis XIV, dit le Grand Dauphin, a fait donner ce nom à cette sorte d’ouverture qu’il aperçut pour la première fois dans les jardins de Meudon, et au sujet de laquelle il s’écria dans sa surprise : ah ! ah !.Il s’agit en réalité d’un artifice visuel, d’un fossé creusé entre le jardin et le paysage alentour supprimant ainsi la coupure entre le jardin (lieu privé) et le paysage (espace public).