« Enfin comme toujours : on commence avec une idée et on finit avec une peinture. » D.Schlier
Inclassable, c’est probablement le terme qui vient à l’esprit lorsqu’on est devant un tableau de Daniel Schlier. Depuis la fin des années 80, Daniel Schlier développe un travail de peinture dont l’originalité vient de l’étrangeté de ses sujets construits à partir de multiples références, qu’elles relèvent de la peinture ancienne, moderne, de la photographie ou encore d’images de notre quotidien.
Pour sa 3e exposition à la galerie intitulée « Europa, Europa », Daniel Schlier s’est inspiré du rapt d’Europe, fille d’Agénor, roi de Tyr. Sous l’aspect d’un taureau blanc, Zeus « fendant les flots azurés, emporte sa proie sur le vaste océan ».
Le titre de l’exposition sonne comme une incantation car l’Europe est née dans le rêve d’une jeune femme qui voit s’approcher un taureau dont « le front n’a rien de menaçant » et qui va la conduire vers sa destinée.
Sa nouvelle série de tableaux interpelle notre regard et notre imagination. Nous sommes loin du sujet mythologique qui a inspiré Ovide dans les Métamorphoses et si souvent représenté dans la peinture classique. Ici, le poème n’est qu’un prétexte qui sert de point de départ à une histoire qui nous reste, en tant que regardeur, à inventer et à construire. Certes le taureau apparaît dans la représentation, avec ou sans cornes. Parfois il se dédouble. Mais quel sens donner à cette armure de chevalier démantibulée, qui cache derrière son heaume un œil humain ?
À l’évidence les codes sont brouillés tellement l’incohérence de la scène saute aux yeux.
L’artiste se complait à troubler notre regard jusque dans la technique utilisée. Il cultive le goût du détail et du savoir faire. Pourquoi faire cohabiter un traitement lisse au réalisme quasi photographique avec des parties plus empâtées, des fonds travaillés comme des enduits aux couleurs acidulées jusqu’à nous imposer la présence de vrais cheveux et de poussières collés sur la toile ? Est-ce le résultat d’hallucinations, d’accidents ou au contraire celui d’un travail mûrement réfléchi et nourri par des images alchimiques ?
Daniel Schlier renoue avec une tradition de la représentation où toute tentative de narration et de compréhension est vouée à l’échec. Sa peinture est celle de la confrontation des styles et des techniques, de la déstabilisation et de l’égarement. Sa peinture doit être placée sous le signe de cette « rencontre fortuite » mallarméenne.