Indéniablement, les peintures de Nicolas Chardon entretiennent un rapport étroit avec l’histoire de la peinture et plus particulièrement avec les archétypes de l’abstraction géométrique. De série en série, il reste fidèle à un langage moderniste et surtout à un protocole d’exécution qui malgré l’apparente répétition génère un renouvellement constant et qui, depuis presque vingt ans, semble inépuisable.
Pour cette nouvelle exposition intitulée « Nouveaux standards », Nicolas Chardon a choisi de faire dialoguer les œuvres récentes avec des peintures du tout début de sa carrière comme une manière d’affirmer la position d’un travail de peinture avec une même clarté de méthode.
Bien entendu on retrouve sa marque de fabrique, ses « Carrés noirs », avec un ensemble de 3 « Carré maximum » sur tissu vichy jaune, rouge, ou bleu, où la forme noire occupe quasiment toute la toile de manière à ne laisser qu’un liseré blanc à son pourtour.
« Bloc », peinture centrale de cette exposition, présente, quant à elle, un caractère nouveau : elle est constituée de onze toiles (6 carrés et 5 rectangles) de formats standards, bien que tous différents, regroupées pour former un faux carré (290 x 300 cm).
Obéissant à une même méthode – tendre un tissu à carreaux (ici, un vichy) sur un châssis et utiliser les lignes déformées par la tension de la trame pour peindre la surface –, Nicolas Chardon peint une forme noire puis une contre-forme blanche d’une largueur quasiment identique sur chacune d’elles. Alors qu’une permutation dans l’accrochage parait envisageable, une seule combinaison est possible : chacun des tableaux occupe un emplacement précis voulu par l’artiste. De toute évidence, cette peinture se rattache à la série « Scenario ». Si dans celle-ci chacune des formes se positionnent sur un même plan, pour « Bloc », elles deviennent physiquement indépendantes. Cet éclatement toutefois contenu, rend à présent le mur visible et fait apparaître des intervalles dont certains sont contrôlés par l’artiste et d’autres, le fait du hasard, soumis à une réalité matérielle due aux formats standards.
Nicolas Chardon compose une fois de plus avec ce qu’il a sous la main, soulignant ainsi un positionnement paradoxal entre une intention – celle de disposer ses tableaux selon une norme précise comme un bon élève –, et un résultat imparfait en raison de certains vides qui donnent l’impression d’une erreur de calcul. Nicolas Chardon ne domine pas tout, il préfère modestement s’adapter à une réalité concrète : la tension du tissu et, avec « Bloc », les formats des châssis trouvés dans le commerce.
Quel est notre degré de tolérance face à tant d’imperfection ? Regarder un tableau de Nicolas Chardon, c’est toujours mettre son regard à l’épreuve devant ces formes contrariées ou encore des couleurs qui viennent perturber une composition. Certes, le noir et blanc prédominent mais la couleur parvient parfois à se glisser dans les toiles « Position/Rouge » ou « Position/Jaune », et crée un sorte de turbulence visuelle. Nicolas Chardon ne recherche pas d’harmonie et utilise toujours des couleurs brutes pour ses recouvrements. Il suffit de découvrir les tâtonnements de jeunesse, genèse de cette peinture d’attitude, pour comprendre que les effets de couleurs ne font pas partie des préoccupations de l’artiste. Seuls changements notables par rapports à aujourd’hui : de plus grands formats et une neutralité dans le rendu pictural qui dans les années 2000, grossièrement, rendait visible la trace du pinceau.
Nicolas Chardon parvient toujours à nous surprendre avec de simples formes qui échappent aux règles strictes d’une géométrie euclidienne. Pour lui, qui maintient à distance l’idée d’une invention démiurgique, le concept de perfection est si indéterminé qu’il a fait le choix d’une peinture qui ne triche pas et où le réel ne se laisse pas dominer par le rationnel.
Nicolas Chardon est né en 1974 à Clamart. Il vit et travaille à Paris
+ Nicolas Chardon invite, à La vitrine: Corentin Canesson, Bastien Cosson, Julien Monnerie