Peintre abstrait, brouilleur de pistes ou artiste de la dissonance ? La question se pose lorsque l’on est confronté au travail de Rémy Hysbergue.
Voilà près de 20 ans que Rémy Hysbergue construit une œuvre picturale faite de ruptures, avec des séries, aussi diverses que variées, dont chacune porte un titre générique (Hop Hop (1996), Champ (1999), Esbrouffes (2004), Spectral (2005), Pour l’instant (2006), Etendues (2008), Scratch (2010) — à ce jour, plus de 30 séries.
« Points du jour » est le titre de l’exposition à la galerie Jean Brolly, mais également celui de ses dernières recherches.
Pour cette nouvelle série, l’artiste abandonne pinceau, brosse, racloir, spatule, bande adhésive pour de la peinture en bombe. La contrainte technique est simple avec dans le processus créatif, une place importante laissée au hasard. Travaillant à plat sur un support en Alucobond, Rémy Hysbergue dispose, après avoir pris soin de bomber toute la surface de peinture blanche, des micro-éléments qui laisseront leurs empreintes une fois la peinture pulvérisée. Une bande blanche, laissée en réserve, sert de bordure à la peinture proprement dite.
Aux stries, raclures, entrelacs et autres pratiques auxquels l’artiste nous avait habitués, succède avec ce procédé, une pluie de points lumineux. Subtilement, l’artiste accentue les variations entre les parties claires et parties plus obscures. La peinture, déposée en fine particule, joue avec le fond blanc. On est littéralement absorbé par un espace de couleurs (une ou plusieurs couleurs sont utilisées) et de lumière. L’effet est saisissant, ambiguë. Comme une impression lactée, on éprouve des sensations variées de profondeurs fictives.
Avec cette série, Rémy Hysbergue aborde explicitement un sujet qui le taraude depuis la série des Etendues (2008): la relation entre la peinture et la photographie. La marge blanche volontairement présente dans ces peintures ne joue t-elle pas comme la marge qui encadre les photographies? L’aspect flou de certaines zones n’est-il pas une spécificité de la photographie?
L’empreinte laissée sur le support ne renvoie t-il pas à la technique du photogramme? Certaines œuvres, ne font-elles pas penser à un agrandissement d’une photocopie ou autre technique de reproduction ?
C’est pourtant bien un acte de peinture qui nous est donné ici à voir et à comprendre.
La peinture de Rémy Hysbergue se réinvente chaque fois, à chaque série, jusqu’à épuisement du processus. Rémy Hysbergue n’a donc pas un style. Il cultive des styles. Il offre à notre regard la matérialité de la peinture et ses différents fondements. Points de vue est une série – une de plus – qui viendrait agrandir le patchwork des possibilités picturales.