Avec ce titre, « Montagnes russes, été indien, arabesques et paradis latin », Marielle Paul a voulu insister sur l’éclectisme de ses sources et de ses aspirations.
C’est pourtant d’abord par sa constance que l’artiste a pu se faire remarquer : choix du papier et de la gouache ; réfutation obstinée de la figuration et de l’abstraction ; format modeste ; larges marges blanches irrégulières ; négation de l’illusion tridimensionnelle, mais traitement sculptural des plages de couleur ; pesanteur des masses et immatérialité de la couche picturale ; rejet de la géométrie canonique comme de toute tentation expressionniste… Ainsi, depuis près de vingt ans !
Hors de cette régularité, un certain nombre de contradictions s’expriment chez Marielle Paul, comme l’évidente maîtrise de son geste et des ingrédients qu’elle utilise (pigment, quantité d’eau, coefficient de glisse du pinceau sur le papier, etc.) et le laisser-aller
qui lui commande de considérer la composition (impeccable) comme secondaire.
Un véritable dédoublement se joue dans ce laisser-aller où, sans amoindrir l’œuvre, l’artiste est porteuse d’un projet esthétique qui aurait aussi bien pu produire d’autres formes. Ce que l’on voit n’est résolument pas ce que l’on voit quand on s’arrête devant une gouache sur papier de Marielle Paul. C’est moins un résultat recherché qu’une étape dans la recherche.
Il y a peut-être une linéarité littéraire dans son travail. (Et celle-ci n’a rien avoir avec la linéarité graphique qui y est aussi embarquée.) Marielle Paul n’est pas à la recherche d’un geste juste et unique, elle ne recherche pas la courbe parfaite. Elle fait appel à la mémoire d’un récit complexe dont les rebondissements sont trompeurs, parfois réversibles et souvent renversants.
Il y a aussi des symétries musicales qui pour être la stricte exécution d’un même schéma à l’envers, peuvent ne pas être perçues. Cette alternance de gestes aléatoires et surdéterminés, ce démontage tranquille du prévisible par l’invisible décrit bien la démarche de Marielle Paul.
Jusqu’à récemment, son travail était aussi surprenant par la concentration des moyens dans de tout petits formats. Pendant plus de quinze ans, l’artiste a utilisé du papier Canson en pochette pour écolier. Elle devait donc se moquer d’attirer des soupçons d’amateurisme. Depuis quatre ou cinq ans, avec l’élargissement de ses formats, s’est introduit un principe de dispersion qui évoque aussi bien le brossage du pigment coloré et ce laisser-aller magistral où se réconcilient le geste et le non-geste, la forme déterminée et l’indéterminée.
C’est sans doute pour en exagérer les conséquences, pour déjouer plus sûrement la dictature de la composition et pour ménager plus d’accidents dans la propagation ou l’embobinage de ses entrelacs que des œuvres plus récentes ont été peintes sur plusieurs feuilles de papier juxtaposées.